HOSTING


ARTISTS FROM BRUSSELS AND PERIPHERY

OCTOBER 10, 2024 - FEBRUARY 2, 2025

CENTRALE FOR CONTEMPORARY ART, BRUSSELS



English text



L’entrée de Centrale a changé. Fini l’allée latérale longeant le clocher de l’ancienne église Sainte-Catherine. Désormais, l’accès se fait directement depuis la place, à côté des tables hautes de Mer du Nord / Nordzee. Plus lumineux, plus fluide : on part se balader au centre et hop, on se glisse dans un musée. Ce déplacement modifie la perception du lieu. Avant, les murs faisaient face au visiteur sur le côté étroit du rectangle. Maintenant, les salles s’élancent, les unes après les autres dans toute leur longueur.





Dans le livret remis à l’entrée, je lis que HOSTING s’inspire de la Summer Exhibition de la Royal Academy. Je pense à la foule londonienne, aux murs couverts de tableaux, et à quelque chose d’exhilarant dans l’exposition d’une grande variété d’artistes. Ici, pas de cohue – et c’est appréciable – mais aussi un ressenti d’énergie créative. L’annonce de 347 œuvres et 247 artistes m’avait fait tiquer, mais à tort. Après trois visites, je suis convaincu : au-delà de la puissance des œuvres individuelles, la réussite de l’exposition repose sur l’accrochage et le choix des pièces.

Sans thématique imposée, HOSTING célèbre avant tout la diversité locale et périphérique. L’agencement s’appuie sur l’architecture du lieu et les structures de Richard Venlet. Pas de regroupements didactiques pesants, mais pas non plus d’effet bric-à-brac : on évolue d’îlot en îlot, avec des respirations.

Dès la première salle, un ensemble en bois clair, avec bancs et tabourets assortis, rappelle les panneaux d’accrochage communal. Plus loin, un cube blanc, parfait pour la projection vidéo, avec un long banc épuré. Au fond, d’imposantes structures jaunes, légères et aériennes, où les poutres croisées permettent d’accrocher un grand nombre d’œuvres sans alourdir l’espace. Elles forment des tours, des détours, et laissent entrevoir l’arrière des toiles – détails fascinants sur les matériaux et les encadrements.

On sent un soin particulier dans la juxtaposition d’œuvres hétéroclites et un choix instinctif  basé sur des photos. Face à des milliers de propositions, il a fallu trancher vite. Aucun genre ni médium ne semble avoir été exclu, a priori, et le jury a osé. Jamais je n’aurais sélectionné ce toucan de profil sur fond jaune de Laura Dos Santos, et pourtant, dans la dernière salle, il s’impose comme une pièce forte, vibrante.

Les prix affichés dans le livret rendent les œuvres étrangement accessibles. Non pas que les montants soient pour toutes les bourses mais du fait qu’un prix a été fixé et qu’il soit affiché. Certaines pièces ne sont pas à vendre (NFS - NOT FOR SALE) et communiquent un attachement particulier ou une stratégie de positionnement. Un système intéressant : 20 % du prix de vente est reversé dans une cagnotte solidaire, redistribuée à tou.te.s les artistes.

Parmi les œuvres marquantes, deux pièces de Mohammed Alani : au sol, une grille composée de stylos et feutres usagés, et, dans la dernière salle, au sol, un sac à dos d’écolier (gros et moche), planté de flèches décorées (belles et allongées). Harcèlement scolaire ? Le cartable comme carapace ? Révolte anti système éducatif ? Qui sont les sauvages ? 

Moment drôle avec Le voyage du tourne-disque de Jérôme Porsperger : en premier plan, un tourne-disque, tandis que des vidéos défilent en arrière-plan – des hommes torse nu, en plein air, faisant de la musculation une vidéo avec une pelleteuse sur un tas de déchets. Comme si le son prenait le dessus sur l’image, la reléguant au statut de décor. Bande-son. Bande-images.

Et aussi le numéro 265, Sans titre de Mathias Roche. Une grille en diagonale sur fond bleu-gris fait émerger, en son centre, une figure d'arlequin. Ielle me regarde en faisant la tête, ses cheveux rouges en bataille.

En sortant, une dernière pièce attire le regard : un mini sac poubelle noir, suspendu par sa cordelette rouge, accompagné de petits coussins noirs et de grelots. Tsurushi Kazari de Yukali Modéran évoque les délicates suspensions japonaises en chutes de kimono, traditionnellement utilisées pour le Nouvel An. À Bruxelles, ces guirlandes prennent une toute autre forme : d’adorables petits sacs poubelles. L’idée est à la fois juste et belle, et pourrait enrichir le folklore bruxellois. Pourquoi ne pas en faire un rituel annuel, où chacun confectionnerait et offrirait ces suspensions pour apaiser les démons des immondices qui hantent la ville ?



Roshan Di Puppo



PS - Dans un texte précédent sur Love is Louder à Bozar, j’exprimais un inconfort face à la profusion d’œuvres. Hosting relève d’une autre approche. Son titre, loin de peser sur les œuvres, évoque l’art de l’accueil, étendu ici à la périphérie. Située en hypercentre, Centrale interroge la notion de convergence. L’exposition devient un lieu de rassemblement : chaque œuvre y trouve sa place tout en préservant son autonomie. Des dialogues spontanés surgissent autour de détails imprévus, surtout visuels. Formes, couleurs et matières entrent en résonance, laissant la perception guider la réflexion.

PS - J’espère que HOSTING deviendra un rendez-vous annuel.